ROVER
Rover a sorti en 2012 un premier album unanimement salué par la critique et le public (disque d’or avec plus de 50 000 ventes et une nomination aux Victoires de la Musique «Révélation du public»), sorte de fulgurance électrique viscérale, drapée d’un velours rouge où il était possible de s’oublier. Rover a donné plus de 200 concerts depuis, a traversé les frontières, croisé les peuples, les âmes, il a compris que ses chansons pouvaient illuminer la vie des autres. Rover ne veut pas que l’indifférence dicte les débats. Il faut l’aimer ou le haïr.
Quand on le rencontre, on ne peut s’empêcher de voir une silhouette à la carrure colossale et aérienne. Une voix d’ange qui résonne, son calme est une tempête accueillie avec la joie de celui qui n’ignore pas que l’aventure ne peut se passer de la peur. Il ressemble à sa musique : démesuré, mystérieux, généreux, fidèle, pas dupe. Il sait que pour créer des choses d’envergure, il faut d’abord s’abandonner, ne pas tuer l’enfant, au contraire, le pousser, le provoquer, lui murmurer d’aller encore plus loin.
Quand il évoque “Let It Glow”, son deuxième disque oxymore, gorgé de chansons cristallines ou rocailleuses, il parle de nouveau chapitre, il reconnaît que cette fois-ci, il a plutôt laissé faire. Il n’a rien forcé. Rover écrit la nuit, souvent. Rover a réalisé l’album lui-même, l’a enregistré dans un studio breton, Kerwax, accompagné de Christophe Chavanon (maître des lieux et magicien du son) et d’Arnaud Gavini (fidèle batteur de la première tournée), avec des amplis aux lampes capricieuses, des instruments qui sonnent différemment selon la météo, l’heure de la journée… Analogique. “Choisir des instruments qui ont déjà vécu, c’est comme choisir une vieille voiture, c’est opter pour une non fiabilité, pour quelque chose qui peut avoir ses caprices. On sent qu’il y a des fantômes. Et pour celui qui est à l’écoute, ils peuvent devenir de vrais partenaires.” Un album qui a privilégié les accidents, l’instinct, le laisser-aller donc. Quant au mastering, il a été confié à Bob Ludwig (Led Zeppelin, Nirvana, Radiohead, Beck, Daft Punk…), dont les studios sont situés à Portland.
Derrière l’évidente douceur de ses mélodies, rassurantes, chaleureuses, comme arrachées à la pesanteur du présent, Rover semble avoir toujours été réfractaire à l’idée de confort. L’enregistrement d’Eiskeller, son troisième album en atteste : Timothée Reigner, exilé à Bruxelles depuis plusieurs années, a choisi de s’enfermer quelques mois dans les anciennes Glacières Saint Gilles de la capitale belge. C’est là, sous terre, dans cette grande pièce austère, froide, qui servait autrefois de repère à un club de boxe, que le songwriter français s’est cloîtré dans l’idée de tourner le dos aux habitudes, de s’approprier un lieu a priori hostile..